Sur le Chemin, Jack Kerouac


Sur le Chemin, Jack Kerouac
1952
Sur le Chemin est un roman inédit de Jack Kerouac découvert en 2008 par le journal iste Gabriel Anctil à New York alors qu'il écumait les archives des bibliothèques. La particularité de ce roman c'est qu'il a écrit par Jack en français. L'auteur a écrit ce roman en 1952 alors qu'il se trouvait à Mexico. Jack Kerouac ayant des origines canadiennes françaises a donc écrit ce roman entièrement en joual en Décembre 1952 - le Joual étant un sociolecte du français québécois, langue que Jack Kerouac maîtrisait parfaitement au vu de ses écrits. Il est important de préciser que Sur le Chemin est un roman très court, il fait à peine une cinquantaine de pages et a été rédigé dans un simple cahier de notes bon marché à la main, et non à l'aide d'une machine à écrire comme Jack en avait l'habitude.  
D'après ce qu'on peut lire dans les journaux, ce livre raconte l'histoire d'un groupe d'Homme qui se sont donnés rendez-vous dans le quartier Chinatown à New York.   
● Lettre à Cassady à propos du roman 
Par ailleurs, même si ce manuscrit a été découvert plus de cinquante ans après son écriture, on soupçonnait l'existence d'un tel écrit depuis la lecture d'une des lettres que Jack avait écrite à son ami, Neal Cassady le 10 Janvier 1953 au cours de laquelle, il évoquait ce roman en question:  «À Mexico, peu de temps après ton départ, j'ai écrit en cinq jours, en français, un roman sur toi et moi alors que nous étions enfants en 1935, où nous rencontrons Uncle Bill Ballon, ton père, mon père et quelques blondes sexy dans une chambre avec un Canadien français débauché ainsi qu'un vieux Model T Ford. Tu le liras imprimé un jour et tu riras. Il représente la solution pour les intrigues de On the Road, toutes les intrigues et je vais le soumettre dès que j'aurai fini de le traduire et de le dactylographier.»
● Les Premières lignes du roman 
"Dans l'mois d'octobre 1935, y'arriva une machine du West, de Denver, sur le chemin pour New York. Dans la machine était Dean Pomeray, un soûlon ; Dean Pomeray Jr. son ti fils de 9 ans et Rolfe Glendiver, son step son, 24. C'était un vieille Model T Ford, toutes les trois avaient leux yeux attachez sur le chemin dans la nuit à travers la windshield." Vous l'aurez sans doute compris, Dean Pomeray est le pseudonyme que Jack a donné à son ami Neal Cassady (qui deviendra Dean Moriarty dans On The Road) et Ti-Jean, est Kerouac. 
Un autre extrait mettant en avant son voyage vers New York en compagnie de son père: ''C'était un gros nuit dans leur vies, c'était leur premier trip ensemble à New York, en machine; le père ava déjà venu ça Boston-New York boat, et une fois ça train; mais là c'était le gros chemin, le tapis noire actuelle de la ville."  Dans ce court extrait, Jack fait allusion au fait de quitter Boston alors qu'il a 13 ans avec son père, Léo en voiture pour New York afin de trouver un appartement grâce à des amis. 
Enfin: "On t've trouvera un tivoyage icite, on voirra si on peu aidez le vieux bum avec son kid, ont l'air à jamais v'nu, c'est des parents, on bavassera un peu, on mangera tet'ben un ti-feed, et moé pi tué on s'enala a Times Square voire des shows. Les burlesc pis les vodville show pi les nouveaux portra pi ils disent qu'y a des portras français — ça sera beau en voire un porta en francais. Ça faira braillez les yeux voire un tite scène avec les amants sur le lit, Marie-Louise m'a contez ca, ca a vue un a Boston - Bon ma ton ti drap alentours de tes genoux la pis d'or si té capable - m'ava drivez droite a New York pis je parle pu." Et le tigas dorma dans machine de l'éternité noire, que son père conducta à travers de la nuit."
Je vous invite à lire l'article du site Le Devoir ici pour plus d'informations sur le roman.

Un Interview du journal Gabriel Anctil réalisée par Mathilde Gérard du journal Le Monde pour plus d'informations sur le roman
Comment avez-vous découvert Sur le chemin ? 
Gabriel Anctil : Tous les manuscrits de Jack Kerouac à New York sont accessibles, sur demande, depuis un an et demi. Le problème avec Kerouac, c'est la quantité de mythes et de légendes autour de ses écrits. On avait quelques indices sur le fait qu'il avait écrit en français, mais aucune preuve tangible. J'ai donc épluché ses manuscrits à New York. Il y a un an, j'ai mis au jour un premier roman en français : La nuit est ma femme. C'est un texte dont l'existence était connue, mais qui n'avait jamais été lu, car non seulement, il était écrit en français, mais en joual, le langage populaire québécois. Seul un Québécois pouvait donc le lire. Quand j'ai découvert La nuit est ma femme, j'ai réalisé que Kerouac maniait mieux le français qu'on ne le soupçonnait. Quant à Sur le chemin, c'est un texte dont l'existence était vraiment insoupçonnée. Je l'ai trouvé en fouillant dans un cahier de notes.  
Comment expliquer que des romans inédits de Kerouac aient pu passer inaperçus pendant plus de cinquante ans ? 
Il faut, pour cela, retourner aux racines québécoises de Kerouac. Ses deux parents sont nés au Québec, mais ils ont émigré très jeunes, comme près d'un million de Québécois. Entre 1850 et 1930, la moitié du Québec est partie aux Etats-Unis, en raison d'une natalité explosive. Kerouac est né à Lowell (Massachusetts), une petite ville dont le quart de la population était originaire du Québec et parlait français. C'étaient des ouvriers, des travailleurs agricoles, peu éduqués. Le français qu'ils parlaient n'était pas conforme aux normes du français international. Un énorme complexe s'est alors développé par rapport à ce langage. Ce même complexe existait au Québec, mais les Québécois ont su s'en affranchir dans le courant des années 1960.   
Quand Kerouac écrit ces textes en français populaire, il n'imagine même pas de pouvoir les publier, ni aux Etats-Unis, ni même au Québec, où la possibilité de publier un texte en joual était alors nulle – le premier roman en joual n'a été publié qu'en 1964. Dans une lettre, Jack Kerouac se dit convaincu qu'il doit traduire ces textes en anglais. Ce qu'il a d'ailleurs fait, puisque Sur le chemin est devenu en anglais Old Bull in the Bowery, un texte également inédit à ce jour.  
Malgré ce complexe par rapport à la langue française, qu'est-ce qui a motivé Jack Kerouac à écrire ces deux romans d'abord en français, avant de les traduire en anglais ? 
Kerouac n'a appris l'anglais qu'à l'âge de 6 ans, quand il est entré à l'école. Avec ses parents, il a toujours parlé français. En revanche, quand il a quitté Lowell pour faire ses études à New York, il s'est retrouvé dans un milieu complètement anglophone. Dans une lettre écrite en 1950 à une critique littéraire franco-américaine, Kerouac explique que les idées lui viennent d'abord en français et qu'il les traduit ensuite en anglais par écrit. Ainsi, beaucoup de ses phrases en anglais sont construites comme des phrases françaises. Sur le chemin a été rédigé quelque temps après la première version d'On the Road, écrite en 1951 en trois semaines. Par la suite, il a retravaillé en 1953 le manuscrit d'On the Road. Le fait de passer par le français l'a donc aidé à écrire en anglais.   
Sur le chemin et On the Road sont deux œuvres distinctes, mais écrites en parallèle. En quoi se rejoignent-elles ? 
Sur le chemin fait partie du processus créatif qui a abouti à la rédaction d'On the Road. Ce sont deux histoires différentes, dont les personnages se retrouvent cependant d'un texte à l'autre, à des âges différents. Dans Sur le chemin, Ti-Jean, qui n'est autre que Kerouac, a 13 ans. Il rencontre un enfant de Denver, Dean Pomeray, qui représente Neal Cassady, l'ami de Kerouac qui lui a inspiré le personnage de Dean Moriarty dans On the Road. Les thématiques se croisent, notamment la notion de voyage, très présente dans les deux œuvres.  
Et quid de la similitude des titres ? 
Sur ce point, Kerouac vient contredire les traducteurs français. Ce manuscrit nous indique que Kerouac, dans son français, n'aurait pas traduit On the Road par Sur la route, mais par Sur le chemin.  
Quel usage Jack Kerouac fait-il de la langue française 
On retrouve en français le même processus d'écriture qu'en anglais, c'est-à-dire la volonté de reproduire la réalité et donc, le langage oral. En anglais, Kerouac recollait des mots ensemble, en inventait d'autres ou en changeait l'orthographe, afin de mieux reproduire la langue de la rue. En français, il faisait la même chose : il utilisait des tournures de phrases se rapprochant de la langue anglaise, y mélangeait du joual, mais aussi des mots qui n'étaient utilisés qu'en Nouvelle-Angleterre et n'existaient pas au Québec. Là-dessus, il faut ajouter le génie de Kerouac. Sa langue est vraiment unique dans la littérature québécoise. Elle ne ressemble à rien de ce qui a été fait jusqu'à présent.

●  Lien vers le site du Monde  Lien vers le site LeDevoir

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